Thoughts and Feelings #10
(Scroll down for English)
Le curieux cas de la fille qui a monté une pièce de théâtre pour avoir un groupe de femmes avec qui passer du temps.
Chère ami.e,
Si tu me connais, tu dois savoir que je suis ce qu’on appelle une « girl’s girl », une "fille à filles". J’adore la compagnie des femmes. Je ne sais pas si ça vient du fait que ma famille est presque exclusivement féminine, du fait que j’ai fait des études où les étudiant.es étaient en majorité des jeunes femmes, ou si ça vient plutôt de mes années d’activisme dans des collectifs féministes non-mixtes mais en tout cas j’adore les femmes. Je trouve que l’énergie qui se dégage d’un groupe de femmes est presque magique. J’aime le soutien mutuel qu’on s’apporte, la compréhension, le partage d’expérience, le care etc. Pour moi les groupes de femmes ont la même ambiance que les toilettes des femmes en soirée. Tu ne connais personne mais dès que tu y entres, il y ‘a une fille qui te complimente sur ta tenue, une autre qui te donne des conseils très pertinents sur ta relation amoureuse, ou encore une autre qui te prête son rouge à lèvres. L’ambiance dans les toilettes des femmes est un aperçu vers un monde parallèle magique où le patriarcat n’a jamais inoculé cette compétition malsaine entre femmes.
Personnellement, j’ai toujours recherché la compagnie des femmes et je n’ai jamais compris les filles qui disaient « moi je peux pas être pote avec d’autres meufs, y’a que de la méchanceté dans les groupes de meufs, je préfère être potes avec les gars. » Pour moi, cette phrase est la quintessence même de la misogynie intériorisée et je ne la comprenais pas parce que ça n’a jamais été mon expérience ( et soyons honnêtes les hommes hétéros ne font absolument pas de meilleurs amis, je suis prêt.e à camper jusqu’en 2034 sur cette position.) Depuis mon école primaire catholique pour fille, jusqu’à l’université de langues en passant par le cours de danse du samedi à la MJC ou l’aumônerie de l’église, j’ai toujours eu la chance d’être entourée de filles géniales dont certaines sont toujours mes amies aujourd'hui. Cependant, oui les femmes étant des êtres humains comme les autres, beaucoup d’entre elles sont détestables et ont intériorisé la misogynie. Pour ça ma solution a toujours été simple : puisque c’est moi qui choisis qui a le droit et le privilège d'être proche de moi, j'évite ce genre de femmes comme la peste car comme le dit le fameux tweet “ I don’t support every woman, some of you bitches are very dumb” traduction : “ je ne soutiens pas toutes les femmes, certaines d’entre vous sont vraiment connes. » Je ne fais pas dans les amies/ennemies, je suis une girl’s girl qui ne veut que des girl’s girls autour de moi. En amitié, pour moi la loyauté est très importante, je n'ai ni le temps ni l'envie d'éduquer des pick me et nous savons tous.tes que la loyauté d'une femme misogyne va toujours aux hommes en premier. Elles vous laisseront tomber pour l'attention du premier pénis à proximité. Eh oui, chère ami.e, ce n’est pas parce que je suis afroféministe en pensée, en parole, par action et par omission, que pas que TOUTES les femmes sont mes amies. Au contraire, le féminisme m'a appris que la plupart des femmes ne sont pas mes amies.
De plus, pendant ma vingtaine j’ai fait plusieurs fois la douloureuse expérience d’étendre mon amitié et donc mon amour et mon soutien a des femmes qui ne les méritaient absolument pas. La plus grande leçon dans ce domaine, je l’ai reçue cet été quand j’ai fait l’erreur de prêter mon appartement à quelqu’un qui m’a fait du « love bombing » amical juste pour pouvoir profiter de moi, tout en mentant sur une situation de violence domestique pour m’attendrir. J’ai aussi fait l’erreur de croire que le groupe de femmes qui m’avait fait rencontrer cet énergumène allait au moins me défendre et me soutenir mais que nenni. Ça a été une grande leçon sur le fait de faire confiance à son instinct et ne pas donner le bon dieu sans confessions à une femme, juste parce que c'est une femme femme et qu’elle se présente comme victime. Comme je le disais donc, dans la deuxième moitié de ma vingtaine j’ai essayé d’être amie avec des femmes qui ne méritaient clairement pas mon amitié et qui ne me voyaient pas comme une amie mais comme quelqu’un qui organisait des choses intéressantes à faire donc quelqu’un avec qui passer du temps, faute de mieux. Je m’en suis rendu compte quand j’ai fait le test qui consiste à arrêter d’écrire pendant quelques temps pour voir si la personne m’écrit de son plein gré et surprise, de nombreuses « amies » ont disparu sans laisser de trace de cette façon. Pendant la période 2016-2021, j’ai perdu énormément d’amies à cause de la maladie, de la dépression et du manque de mobilité. Je me suis fait ghoster par ma meilleure amie de 10 ans avec qui je pensais finir ma vie (les ruptures amicales sont très douloureuses mais malheureusement on n’en parle pas beaucoup). D'ailleurs étant donné que je suis extravertie et je n’hésite pas à aller vers les gens et leur dire que je veux être leur amie, je me fais régulièrement ghoster, sans aucune explication et bien que je sache que ce comportement méprisable n'est pas un reflet de ma valeur en tant que personne, dire que ça ne m'a pas affecté serait te mentir.
Tu l’auras donc compris, quand je suis arrivée à Abidjan, je n’avais presque plus d’amie à Paris, le peu d'ami.es qui me restaient ne prenait pas forcément de mes nouvelles (loin de yeux loin du coeur) et tous les gens que je considérais comme mes ami.es à Abidjan m’avaient donc ghosté. Y compris les gens qui m’avaient encouragé à revenir au pays. Ça a été une période d’extrême solitude, renforcée par un choc culturel auquel je ne m’étais pas préparée puisqu’il s’agissait de mon pays de naissance, une situation familiale tendue et un travail qui faisait exploser mon anxiété. Je pouvais passer des semaines sans sortir ni parler à qui que ce soit et si je n’avais pas trouvé ma tantie Mariam et son lieu de vie Vegan, je ne sais pas vraiment ce que je serai devenue (Mariam, tu seras toujours célèbre).
Autant te dire que ça a été l’un des points les plus bas de mon existence. Mais grâce à la thérapie comportementale et cognitive (que je recommande à tout le monde), une démission, un déménagement et l'adoption d'un chat de soutien émotionnel, j’ai réussi à sortir de cet état de dépression sévère et quelques mois plus tard je me mettais à écrire ma pièce basée sur le livre La vie Sexuelle des Femmes Africaines et à chercher des comédiennes. J’ai fait appel à des femmes que j’avais rencontré occasionnellement dans des évènements féministes, ou chez Mariam. J’ai aussi contacté des filles que je suivais sur les réseaux et dont la vibe collait à la pièce. En bref, j’ai mobilisé le petit réseau que j’avais réussi à me créer plutôt difficilement en un an et demi à Babi. J’ai fini par trouver mes comédiennes et nous avons répéter toutes les semaines chez moi pendant 4 mois. Avant ou après les répétitions on passait donc du temps ensemble et puisque toute proximité qui dure dans le temps créé de la familiarité, une camaraderie s’est créée naturellement entre nous jusqu’au jour de la représentation. Après qu’on ait présenté notre pièce avec succès, en regardant la vidéo de l’évènement, une pensée m’est venue à l’esprit. Oui, ça allait me manquer de ne plus avoir ce rendez-vous hebdomadaire avec ce groupe de filles. Elles allaient me manquer. Et c’est là que je me suis demandée si au-delà du désir artistique, je n’avais pas inconsciemment montée cette pièce pour avoir un groupe de femmes avec qui trainer toutes les semaines ? Est-ce que je n’avais pas inconsciemment essayé de recréer chez moi et pour moi, la vibe des toilettes de filles, ne serait-ce que quelques heures par semaine ? Et c'est là, mon ami.e , le cas curieux de la fille qui a monté une pièce de théâtre pour avoir un groupe de femmes avec qui passer du temps régulièrement.
Cette semaine, je partage avec toi une pépite absolue. C’est The Foxy Five, une web serie sud-africaine sortie il y a déjà 7 ans. Filmée sur le mode de la blaxplotation (noter le clin d’œil à Pam Grier / Foxy Brown dans le titre), cette web-série suit un groupe de 5 jeunes étudiantes- Unity Bond, Womxn We, Blaq Beauty, Femme Fatale, et Prolly Plebs-qui préparent la révolution. Ça parle de féminisme africain, d’intersectionnalité, d’identité de genre, de sexualité, de pauvreté, de sugar daddies, de colorisme, de classisme etc. Toutes les questions qu’une jeune femme qui veut la révolution est en droit de se poser ; et tout ça arroser d’une sauce sud-africaine avec un stylisme et une esthétique impeccable. Il n’y a que 6 épisodes de 15 minutes environ et la dernière scène du dernier épisode, où on les voit chanter toute ensemble en Zulu et Xhosa, dans la voiture qui s’en va, est tellement belle qu’elle est restée à jamais gravée dans ma mémoire. J’espère que ça te plaira aussi. D'ailleurs J’adorerais pouvoir filmer une série similaire à Abidjan. C’est court et c’est doux donc installe-toi confortablement et regarde The Foxy Five.

https://www.youtube.com/watch?v=K2enfCkOh4o&t=203s
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The curious case of the girl who put on a play to have a group of women to hang out with.
Dear friend,
If you know me, you must know that I'm what's known as a "girl's girl". I love the company of women. I don't know if it's the fact that my family is almost exclusively female, or the fact that I did university courses where the students were mostly young women, or if it's my years of activism in feminist collectives, but I love women. I find the energy of a group of women almost magical. I love the mutual support we give each other, the understanding, the sharing of experience, the care and so on. For me, women's groups have the same atmosphere as the ladies' bathroom at night. You don't know anyone, but as soon as you walk in, there's a girl complimenting you on your outfit, another giving you very pertinent advice on your relationship, or another lending you her lipstick. The atmosphere in the women's toilets is a glimpse into a magical parallel world where patriarchy has never inoculated this unhealthy competition between women.
Personally, I've always sought out the company of women, and I've never understood girls who say "I can't be friends with other chicks, there's only nastiness in groups of chicks, I'd rather be buddies with the guys." This sentence is the quintessence of internalized misogyny (because let’s be serious, heterosexual men do NOT make better friends, that’s a hill I’m willing to die on.) I didn't understand it because it had never been my experience, from my all-girls Catholic elementary school to my language course in university, Saturday dance class at the community centre or the church youth chaplaincy. I've always been lucky enough to be surrounded by great girls, some of whom are still my friends to this day. However, yes women are human beings like any others, so many of them are detestable and have internalized misogyny. That's why my solution has always been simple: since I choose the people who have the privilege to be close to me, I avoid those women like the plague because, as the famous tweet goes, "I don't support every woman, some of you bitches are very dumb». I'm a girl's girl who only wants girl's girls around me. I have no time to re-educate a pick me and in friendship, loyalty is very important to me and we all know that a misogynistic woman’s loyalty is always towards men. They will drop you for the attention of the first penis in the vicinity. Yes, dear friend, just because I'm an Afrofeminist in every single way, doesn't mean that ALL women are my friends. If anything, feminism taught me that most women are not my friends.
During my twenties, I have had the painful experience several times of extending my friendship and therefore my love and support to women who absolutely did not deserve them. And not only in my twenties since the biggest lesson in this area, I learned it this summer when I made the mistake of lending my apartment to someone who did a friendship "love bombing" on me just so she could take advantage of me, all of this while lying about a domestic violence situation to soften me up . I also made the mistake of believing that the group of women who had introduced me to her would at least support me, but that didn’t happen. It think it was a great lesson in trusting your instincts and not trust people blindly because they are women who present themselves as victims. As I was saying, during the second half of my twenties I've tried to be friends with women who clearly didn't deserve my friendship and who didn't see me as a friend but as someone who was organizing interesting things to do, therefore someone to spend time with when you have nothing else to do. I realized this when I did the test that consist in not writing for a while to see if the person writes to me of their own will, and surprise surprise, many "friends" have disappeared without a trace in this way.During the period 2016-2021, I lost a lot of friends due to my illnesses, depression and lack of mobility. I was ghosted by my best friend of 10 years with whom I thought I'd spend the rest of my life with (friendship breakups are very painful and we should talk about them more), moreover given that I'm extroverted and I don't hesitate to go up to people and tell them I want to be their friend, I regularly get ghosted, without any explanation. As much as I know this despicable behavior is not a reflection of my value as a human being, to tell you that it didn't affect me would be a lie.
So you see, when I arrived in Abidjan, I had almost no friends left in Paris, the few friends left there didn't particularly check on me ( it turns out absence does not make the heart grow fonder after all) and all the people I'd considered my friends in Abidjan were ignoring me. Including the people who had encouraged me to return home. It was a period of extreme loneliness, coupled with a culture shock I hadn't prepared for since it is my country of birth, a tense family situation and a job that made my anxiety explode. I could go weeks without going out or talking to anyone, and if I hadn't found my auntie Mariam and her Vegan place where she feeds your heart, your mind and your body, I don't really know what I would have become (Mariam, you'll always be famous).
I might as well tell you that it was one of the lowest points of my existence. But thanks to cognitive behavioral therapy (which I recommend to everyone), a resignation, a move and the adoption emotional support cat, I managed to emerge from this state of severe depression I had been in for 7 years and a few months later I set about writing my play based on the book The Sexual Lives of African Women. When I started looking for actresses, I called on women I'd met occasionally at feminist events, or at Mariam's place. I also contacted girls I followed on social media, whose vibe fit the play. In short, I mobilized the small network I'd managed to build up with great difficulty over a year and a half in Babi. When I finally found my actresses and we rehearsed every week at my place for 4 months. Before and after rehearsals, we spent a lot of time together, and since any proximity that lasts over time creates familiarity, a camaraderie naturally developed between us right up to the day of the performance. After we had successfully presented our play, while watching the video of the event, a thought occurred to me. Yes, I was going to miss having this weekly get-together with this group of girls. Yes, I was going to miss them. And that's when I wondered if, beyond the artistic desire, I hadn't unconsciously put on this play to have a group of women to hang out with every week? Hadn't I been subconsciously trying to recreate the girls' bathroom vibe for myself, if only for a few hours a week? And this my friend, is the curious case of the girl who put on a play so she could have a group of women to spend time with on a regular basis.
This week, I'm sharing an absolute jewel with you. It's The Foxy Five, a South African web series released 7 years ago already. Filmed in blaxplotation mode (peep the nod to Pam Grier / Foxy Brown in the title), this web-series follows a group of 5 young female students- Unity Bond, Womxn We, Blaq Beauty, Femme Fatale, and Prolly Plebs-as they prepare the revolution. It talks about African feminism, intersectionality, gender identity, sexuality, poverty, sugar daddies, colorism, classism and more. All the questions a young woman who wants the revolution to come has a right to ask herself; and all this sprinkled with a South African sauce and impeccable styling and aesthetics. There are only 6 episodes of around 15 minutes each and let me tell you something, the last scene of the last episode where we see them all singing together in Zulu and Xhosa, in the car driving away, is so beautiful that it has remained forever engraved in my memory. I'm sure you will like it too. Besides, I would love to film a similar series in Abidjan one day. It's short and sweet, so make yourself comfortable and watch The Foxy Five.
