Cher.e ami.e
La CAN est enfin finie ! Youpi ! Et le fait qu’elle se soit finie avec la victoire de l’équipe de Côte d’Ivoire est quand même la cerise sur le gâteau. Après l’agitation classique du mois de décembre dans la ville et sa pléthore d’embouteillages, de soirées, de sorties et d’évènements en tout genre, j’espérais reposer un peu mon système nerveux et mon portefeuille mais c’était sans compter la CAN qui arrivait tout de suite derrière. Oui j’avoue, au début j’ai essayé de résister à l’hystérie collective parce que je ne me suis jamais particulièrement au football même quand c’était l’équipe de France avec ses nombreux joueurs d’origines africaines qui jouait. Je n’ai jamais pu trouver une excitation particulière pour les tournois de foot. Mais cette fois c’était différent. Après avoir remarqué que mes anxiolytiques n’étaient vraiment pas assez forts pour contrer la nervosité de l’hystérie collective, à défaut de pouvoir l’éviter, j’ai décidé de l’embrasser. Après tout c’était un évènement qui n’allait pas revenir de si tôt et j’etais là, autant le vivre plutôt que chercher à l’éviter. Parfois, ça ne sert à rien d’essayer d’eviter la vie. La ville était remplie d’évènements en tous genres et de touristes, comme si décembre ne s’était jamais arrêté. J’ai eu l’impression que tous.tes les noir.es de France étaient à Babi et j’ai même croisé par hasard des gens que je connaissais dans mon super marché de quartier, ce qui m’a grandement perturbé parce que depuis quand la CIV est devenu touristique s’il vous plaît ? Je ne suis pas revenue vivre à Babi pour y croiser le tout Paris quand même oh. Oui, j’avais hâte que tout le monde retourne à la maison. Par ailleurs, je n’ai pas de télévision donc je suivais toute l’ambiance de la CAN sur les réseaux sociaux et là-bas aussi elle était aussi au maximum et vraiment, je n’ai pas suivi les autres CAN mais je peux affirmer sans me tromper que c’était vraiment la meilleure CAN de l’histoire de la CAN, non pas à cause des infrastructures, stades et routes qui ont été construites mais parce que le peuple ivoirien est vraiment un peuple exceptionnellement hilarant et hospitalier (un peu trop hospitalier à mon avis mais ça c’est un autre débat.).
D’ailleurs c’était tellement bien organisé que je me suis dit qu’en fait nos leaders politiques peuvent faire du bon travail quand ils le veulent et c’est dommage que toute cette énergie ne soit mise que sur tournoi de sport et non pas pour améliorer la vie quotidienne des gens de ce pays. Ce n’est pas une question de moyen mais de volonté politique et la volonté politique n’est pas là. Je me suis aussi rendue compte que si je n’arrivais pas à m’exciter pour les autres grands tournois de foot en France c’est parce que le nationalisme français n’inclus pas les gens comme moi et ce n’est pas quelque chose que je peux oublier juste pour un tournoi de foot. Alors qu’ici, le nationalisme footbalistique tourne autour des notions positives comme la joie, l’ambiance, la danse, la fête, le partage et l’autodérision.Et contrairement à l’Europe, ici être fière de son pays ne signifie pas racisme et exclusion des autres. J’ai toujours détesté les mots comme “nationalisme” et “patriotisme” mais cette CAN a fait ressortir tout le patriotisme que j’avais en moi (c’est à dire pas beaucoup pour commencer donc c’etait un exploit). Avec le recul je me dis que j’ai été vraiment contente d’être présente ici pour vivre ce moment, sentir l’electricité dans la ville, et accepter la joie gratuite qui vient avec le fait de voir son équipe nationale gagner. Je pourrai dire à mes descendants que j’etais ici à Abidjan quand la CIV à gagner sa troisième étoile et leur apprendre à danser le coup du marteau quand la chanson deviendra vintage (Coup du marteau, Gbin ! Gbin! Gbin!).
Quelqu’un a dit qu’une population a besoin de pain et de jeux et nos dirigeants ont répondu « On peut vous donner les jeux mais pour le pain là, ça va être un peu compliqué. ». Cela dit c’était suffisant pour mes compatriotes les moins conscients. C’est-à-dire la majorité des gens de ce pays. J’ai été vraiment choquée d’entendre les prix des cadeaux donnés aux 11 hommes qui ont couru sur des terrains pendant un mois pour nous apporter notre troisième étoiles. Des cadeaux qui se comptent en millions de fcfa alors qu’on vit dans un pays où la plupart des gens ne mangent pas plus d’une fois par jour, un pays où le salaire minimum est ridiculement bas ne peut même pas couvrir même un tiers d’un loyer dans la commune la moins chère de la capitale, un pays où des gamines sont obligées de coucher avec des hommes pour obtenir l’argent dont elles ont besoin pour se payer leurs protections menstruelles. Enfin, la CAN est finie, youpi ! J’ai déjà la preuve que toute la noirie de France qui est venue ici en touriste va vouloir venir s’installer ici et faire monter les loyers et les prix dans cette ville déjà inutilement chère. J’imagine déjà les titres de vlogs : « Mon déménagement en Côte d’Ivoire, partie 1. ». Abidjan avait déjà bien entamé sa transition vers sa nouvelle identité de ville où seuls les riches peuvent vivre correctement mais après la vitrine qu’a apporté cette CAN vraiment, ce n’est pas partie pour s’améliorer. En attendant nous on est là oh, où est-ce qu’on va aller ?
_____ENGLISH______
My dear friend,
AFCON is finally over! Yay! And the fact that it ended with the victory of the Côte d'Ivoire team is the icing on the cake. After the usual hustle and bustle of December in the city, with its plethora of traffic jams, parties, outings, and events of all kinds, I was hoping to give my nervous system and my wallet a bit of a rest, but that wasn't counting the African Cup of Nations, which was just around the corner. Yes, I admit that at first, I tried to resist the collective hysteria because I've never been particularly keen on football, even when it was the French team with its many players of African origin playing. I've never been able to get particularly excited about football tournaments. But this time it was different. After noticing that my anti-anxiety pills weren't really strong enough to counter the nervousness of the collective hysteria, failing to avoid it, I decided to embrace it. After all, it was an event that wasn't going to happen again any time soon and I was there, so I might as well live it rather than try to avoid it. Sometimes there is no point in trying to escape life. The city was full of all kinds of events and tourists as if December had never stopped. I had the impression that all the black people in France were in Abidjan and I even bumped into people I knew, in my local supermarket, which really disturbed me because since when has the CIV become a tourist destination, please? I didn't come back to live in Babi to meet the whole of Paris after all. Oh yes, I couldn't wait for everyone to get back home.
I haven't followed the other AFCON tournaments but I can safely say that it was the best AFCON in the history of AFCON, not because of the infrastructures, stadiums, and roads that were built just for it but because the Ivorian people are a truly exceptionally hilarious and hospitable people (a little too hospitable in my opinion but that's another debate). What's more, it was so well organized that it confirmed my belief that our political leaders can do a good job when they want to, and it's a shame that all this energy is only being put into a football tournament and not into improving the daily lives of the people of this country. It's not a question of means but of political will, and the political will isn't there. I also realized that if I couldn't get excited about the other big football tournaments in France, it's because French nationalism doesn't include people like me and it's not something I can forget just for the time of a football tournament. Whereas here, football nationalism here revolves around positive notions like joy, music, partying, dancing and self-mockery (we almost got kicked out at the beginning of the tournament and people, including the players kept on singing joyfully “We suck but we still passed” or “ we didn’t win we don’t care”). I’ve always hated nationalism but this AFCON pulled out all the patriotism I had in me (which is not a lot to start with) and unlike in Europe, here being proud of your country doesn't mean racism and excluding others.
Once I stopped trying to avoid it, I was really glad to be here to live this moment and feel the electricity in the air, and accept the free joy that comes with seeing your national team win. I'll be able to tell my descendants that I was here in Abidjan when CIV won its third star and teach them to dance “coup du Marteau” when the song becomes vintage.
Someone said that a population needs bread and games and our leaders replied:"We can give you the games but for the bread, it’s going to be a bit complicated". That said, it was enough for my less conscious compatriots. In other words, the majority of people in this country. I was really shocked to hear the prices of the gifts given to the 11 men who ran around for a month to bring us our third star. Gifts worth millions of CFA francs when we live in a country where most people don't eat more than once a day, a country where the ridiculously low minimum wage can't even cover a third of the rent in the cheapest commune in the capital, a country where young girls are forced to sleep with men to get the money, they need to pay for menstrual pads and so forth and so on. But finally, AFCON is over, yay! I already have proof that all the black people from France who came here as tourists are going to want to settle here and drive up rents and prices in this already unnecessarily expensive city. I can already imagine the vlog headlines: "My move to Côte d'Ivoire, part 1". Honestly, Abidjan had already made a good start on its transition to its new identity as a city where only the rich can live well, but after the showcase provided by this AFCON? It's not going to get any better. In the meantime, we’re here oh, where else are we going to go ?