Bien sûr, je commence ce texte en criant « Free Palestine » et stop au génocide qui est actuellement en train d’être commis par Israël sur la population de la bande de Gaza, avec le soutien des dirigeants du monde occidental et surtout des Etats-Unis. Je n’aurais jamais pensé être témoin d’un génocide de mon vivant mais apparemment nous y sommes. Lorsqu’on nous apprenait à l’école l’histoire des différents génocides qui ont eu lieu au 20ème siècle, beaucoup d’entre nous se sont demandés comment ça a été possible ? Comment le monde a pu assister à tout ça sans rien faire ? La réponse est là sous nos yeux, en partant de la propagande qui déshumanise une population depuis des décennies, l’inversion des responsabilités essayant de faire passer les victimes pour les bourreaux, jusqu’à la criminalisation des personnes prenant position en choisissant d’être du bon côté de l’histoire. Le but de mon texte n’est pas de vous éduquer sur la colonisation israélienne ni sur les intérêts croisés des puissances impérialistes ni sur la déshumanisation constante des populations du sud global et notamment du celles du Moyen-Orient. Le but de ce texte est de vous raconter des bribes de mon voyage en Palestine. C’est en Palestine que pour la première fois de ma vie j’ai vu un être humain regarder un autre être humain comme s’il était un cafard dégoutant qu’il fallait écraser sous sa botte ; et j’ai grandi en tant que fille noire en Europe donc je m’y connaissais un tout petit peu en racisme. Cependant, la Palestine n’est pas que conflit, bombe et misère et je rêve qu’advienne le jour où le monde associera la Palestine à sa musique, ses arts, sa gastronomie plutôt qu’à la guerre. Voici donc la pierre que j’apporte au chemin qui mènera vers la réalisation de ce rêve.
Dabke
Le Dabke est une danse dont je n’avais jamais entendu parler avant mon séjour en Palestine. C’est une danse dansée en cercle et en ligne et qu’on danse en général lors des occasions joyeuses comme les mariages par exemple. L’été où je suis allée donner des cours d’anglais à des enfants et adolescents de la communauté chrétienne de Ramallah, mes élèves, notamment les filles, ont essayé à maintes reprises de me l’apprendre et comme j’aime danser j’étais toujours partante. Cependant, j’avais beau essayé, j’oubliais toujours la combinaison des pas. Donc à chaque fois qu’on me proposait de danser, je faisais deux pas en tenant la main de mes élèves et ensuite j’allais m’asseoir pour profiter du spectacle. Je me souviens encore de leur joie et de la fierté sur leurs jeunes visages lorsqu’ils et elles montraient à nous, des étrangers, leur danse traditionnelle.
Thobe, robe traditionnelle
L’habit traditionnel palestinien est une robe à manches longues brodées et l’un des plus beaux vêtements que je n’ai jamais eu la chance de porter. Cet été-là, l’une de mes amies palestinienne m’a emmené dans la maison de sa grand-mère où j’ai été reçu comme une reine. Je dois absolument souligner que l’hospitalité palestinienne est quelque chose dont tout le monde devrait faire l’expérience un jour. Pendant nos discussions, la grand-mère de mon amie a sorti une de ses robes traditionnelles et m’a demandé si je voulais l’essayer. J’ai bien sûr dit oui et quelques minutes après, vêtue de ma Thobe palestinienne et de la coiffe qui va avec, je m’asseyais sur leur canapé en velours rouge en tenant une petite amphore en terre cuite, posant devant les appareils photo comme une jeune mariée palestinienne. Cette photo reste à ce jour l’une de mes photos préférées.
Afro-Palestine
Un jour où nous nous baladions dans le centre-ville, j’ai entendu quelqu’un crier dans ma direction, je ne parle pas arabe donc j’ai continué mon chemin sans y faire attention mais quelques secondes plus tard quelqu’un a tapoté mon épaule. Il s’agit d’un homme palestinien typé arabe avec deux jeunes pré-adolescentes noires à ses côtés. Le monsieur m’a dit qu’ils venaient d’arriver à Ramallah depuis les Etats-Unis avec ses filles et quand ils m’ont vu ils ont voulu venir me parler car ses filles avaient besoin de quelqu’un pour tresser leurs cheveux. A l’époque j’avais des locks mi-longues teintes couleur caramel et je n’avais aucune notion de coiffure à part la reprise de mes propres racines. J’ai dû leur dire que malheureusement même si j’étais noire aussi je n’y connaissais absolument rien en tressage. Ils m’ont remercié et ont continué leur chemin. Je me souviens encore de cette interaction et je regrette de ne pas avoir pris leur numéro pour connaitre leur famille en prétextant savoir faire des nattes, j’aurais pu apprendre très rapidement sur youtube après tout. Quelques temps après ça, des soldats israéliens contrôlant nos passeports à un checkpoint, me voyant moi, la seule noire du groupe, m’ont demandé si j’étais palestinienne. Il y a quelque chose de très révoltant dans le fait de pouvoir accéder à des endroits en Palestine auxquels les propres palestiniens ont un accès limité. La question m’a paru bizarre également parce que ce soldat avait mon passeport ivoirien entre les mains et surtout, même si je savais que les afro-palestiniens existaient, j’étais loin de penser que je leur ressemblais. Était-ce encore un cas de « tous les noirs se ressemblent ? ». Je suis ensuite allée faire mes recherches et j’ai appris que oui en effet, il existe des palestinien.nes noir.es qui me ressemble. Notamment Fatima Bernawi, une résistante afro-palestinienne qui a été la première femme militante palestinienne à être arrêtée par les forces d'occupation. Je vous encourage vivement à lire son histoire.
Poésie
Tout ceux qui me connaissent savent que je suis une passionnée de poésie et question poésie, la poésie arabe est dans le top 3 de mes poésies préférées car elle est d’un lyricisme sans pareil qui, je ne peux m’empêcher de penser, est sans doute très diluée par la traduction. Mahmoud Darwish était un poète palestinien qui luttait pour la reconnaissance de son pays et je vais juste vous mettre ci-dessous un extrait de son poème intitulé Etat de Siège et vous inciter à rechercher le reste.
(…) Vous qui vous dressez sur les seuils, entrez,
Buvez avec nous le café arabe
Vous ressentiriez que vous êtes hommes comme nous
Vous qui vous dressez sur les seuils des maisons
Sortez de nos matins,
Nous serons rassurés d’être
Des hommes comme vous ! (…)
Knafeh
J’ai gardé le meilleur pour la fin car la vie est amère et on a toujours besoin d’un peu de douceur. Dès mes premiers jours en Palestine, la grande gourmande que je suis est tombée amoureuse du Knafeh, un dessert traditionnel de la région composé de pâte phyllo, trempée dans un sirop à base de sucre et généralement recouvert de fromage ou d'autres ingrédients tels que de la crème fouettée, des pistaches ou des noix. Ce dessert peut se manger chaud ou froid mais personnellement je le préfère chaud. Mon meilleur souvenir de ce dessert c’est le jour où la famille de mon amie Raneen m’a invité à déjeuner chez eux et j’ai eu la surprise de voir que pour le dessert, la mère de Raneen avait préparé un Knafeh bien chaud juste pour moi. Ça m’a vraiment touché que Raneen ait remarqué que j’adorais ce dessert et que la mère de Raneen ait voulu prendre la peine de le cuisiner rien que pour moi. L’hospitalité à la Palestinienne est vraiment inégalée.
Ces derniers jours ont vraiment été durs pour toutes les personnes pourvu d’une conscience politique anticoloniale et d’un cœur. Bien sûr j’aurais voulu partager quelque chose de positif pour nous remonter le moral mais, un génocide est en train d’avoir lieu et nous n’avons pas le droit de regarder ailleurs. C’est la raison pour laquelle je vous recommande de voir ou revoir l’épisode 5 de la saison 3 de la série Black Mirror intitulé « Tuer sans état d’âme », dont le propos est précisément sur la déshumanisation nécessaire à la justification d’un génocide.
__________ENGLISH_________
Of course, I begin this text by shouting "Free Palestine" and stop the genocide that is currently being committed by Israel on the population of the Gaza Strip, with the support of the leaders of the Western world and especially the United States. I never thought I'd witness genocide in my lifetime, but here we are, apparently. When we were taught at school about the various genocides that took place in the 20th century, many of us wondered how it was possible. How could the world have stood by and watched? The answer is right before our eyes, from the propaganda that has dehumanized a population for decades, to the inversion of responsibility that tries to pain the victims as the monsters, to the criminalization of people who take a stand and choose to be on the right side of history. The aim of my text is not to educate you about Israeli occupation and colonization, about the intersecting interests of the imperialist powers, nor about the constant dehumanization of the populations of the global South, and in particular those of the Middle East. The aim of this text is to tell you a little about my trip to Palestine. It was in Palestine that, for the first time in my life, I saw a human being look at another human being as if he were a disgusting cockroach to be crushed under his boot; I grew up as a black girl in Europe, so I co and I grew up as a black girl in Europe, so I knew a thing or two about racism. However, Palestine isn't all conflict, bombs, and misery, and I dream of the day when the world associates Palestine with its music, arts, and gastronomy rather than war. This is my contribution to the path that will lead to the realization of that dream.
Dabke
Dabke is a dance I had never heard of before my stay in Palestine. It's danced in a circle or in a line and is usually performed on joyous occasions such as weddings. The summer I went to give English lessons to children and teenagers from the Christian community in Ramallah, my pupils, especially the girls, repeatedly tried to teach me, and as I love to dance, I was always up for it. However, no matter how hard I tried, I always forgot the combination of steps. So, every time I was asked to dance, I would take two steps, holding my students' hands, and then sit back and enjoy the show. I still remember the joy and pride on their young faces as they showed us foreigners their traditional dance.
Thobe
The traditional Palestinian dress is a long-sleeved embroidered dress and one of the most beautiful garments I've ever had the chance to wear. That summer, one of my Palestinian friends took me to her grandmother's house, where I was received like a queen. I absolutely must stress that Palestinian hospitality is something everyone should experience one day. During our discussions, my friend's grandmother pulled out one of her traditional dresses and asked me if I wanted to try it on. I said yes, of course, and a few minutes later, dressed in my Palestinian Thobe and matching headdress, I was sitting on their red velvet sofa holding a small terracotta amphora, posing for the cameras like a young smiley Palestinian bride. It remains one of my favorite photos to this day.
Afro-Palestine
One day, as we were strolling through the city center, I heard someone shouting in my direction. I don't speak Arabic, so I continued on my way without paying any attention, but a few seconds later someone tapped my shoulder. It was an Arab-looking Palestinian man with two young black tween girls by his side. The man told me that he had just arrived in Ramallah from the USA with his daughters and when they saw me they wanted to come and talk to me because his daughters needed someone to braid their hair. At the time, I had caramel-colored mid-length locks and had no notion of hairdressing apart from retwisting my own roots. I had to tell them that unfortunately, even though I was black too, I knew absolutely nothing about braiding so I couldn’t help them. They thanked me and went on their way. I still remember that interaction and I regret not having taken their number to be around their family under the pretext of knowing how to braid, I could have learned very quickly from YouTube after all. Some weeks later, some Israeli soldiers checking our passports at a checkpoint saw me, the only black girl in the group, and asked me if I was Palestinian. There's something very revolting about being able to access places in Palestine to which Palestinians themselves have limited access. The question also struck me as odd because this soldier had my Ivorian passport in his hands, and above all, even though I knew that Afro-Palestinians existed, I was far from thinking that I looked like them. Was this another case of "all black people look alike”? Then I went to do my research and learned that yes, indeed, there are black Palestinians who look like me. Notably Fatima Bernawi, an Afro-Palestinian resistance fighter who was the first Palestinian woman militant to be arrested by the occupation forces. I highly encourage you to read about her.
Poetry
Anyone who knows me knows that I'm passionate about poetry, and when it comes to poetry, Arabic poetry is in the top 3 of my favorite poetry, because it has an unparalleled lyricism that, I can't help thinking, is undoubtedly very diluted by translation. Mahmoud Darwish was a Palestinian poet who fought for the recognition of his country, and I'll just put an excerpt from his poem titled “ A state of Siege” below and encourage you to look for the rest.
You there, by the threshold of our door
Come in, and sip with us our Arabic coffee
[you may even feel that you are human, just as we are]
you there, by the threshold of our door
take your rockets away from our mornings
we may then feel secure
[and almost human]
Knafeh
I've saved the best for last because life is bitter and you always need a little sweetness. From my very first days in Palestine, the great gluton that I am fell in love with Knafeh, a traditional dessert of the region made of phyllo dough, soaked in a sugar-based syrup and usually topped with cheese or other ingredients such as whipped cream, pistachios or walnuts. This dessert can be eaten hot or cold, but personally, I prefer it hot. My best memory of this dessert is the day my friend Raneen's family invited me to lunch at their house and I was surprised to see that for dessert, Raneen's mother had prepared a hot Knafeh just for me. It really touched me because my love language definitely involves food, but I was also touched that Raneen had noticed that I loved this dessert and that Raneen's mother had taken the trouble to cook it just for me. Palestinian hospitality is truly unparalleled.
It's been a tough few weeks for anyone with an anti-colonial political conscience and a heart. Of course, I would have liked to share something positive to cheer us up, but genocide is happening and we have no right to look the other way. That's why I recommend that you watch or re-watch episode 5 of season 3 of the Black Mirror series, entitled "Men Against Fire", which focuses precisely on the dehumanization that always makes genocide possible.