Mixed media collage by moi (watercolors, pastels, pencils, paper, felt tip pens)
Chèr.e ami.e,
Après avoir passé une semaine difficile où même sortir m’acheter de l’eau au supermarché d’à côté m’a semblé une tâche insurmontable, le samedi venu, je me suis mis un coup de pied aux fesses et je suis allée à la dernière journée du Salon International du Livre d’Abidjan (SILA) qui a eu lieu du 14 au 18 mai dernier.
Je suis écrivaine donc les livres en général m’intéresse mais je viens en plus de finir d’écrire mon premier roman de fiction dont l’intrigue se déroule en majeure partie à Abidjan, donc je voulais connaitre les maisons d'éditions locales .
Voici mes observations sur cette dernière édition du SILA :
Architecture de la gentrification
Le salon a eu lieu au parc des expositions d’Abidjan qui a été inauguré l’année dernière. C’était la première fois que j’y allais depuis son ouverture et alors que le taxi nous emmenait vers la quartier de l’aéroport où se trouve le parc des expositions, je me suis dit qu’à Abidjan en ce moment, si tu clignes des yeux, tu loupes une nouvelle route, un nouveau quartier, un nouvel échangeur. La ville change a une vitesse folle et ça construit de tous les côtés. A tel point que je peux m’asseoir sur le balcon de mon père aujourd’hui et voir à l’horizon des quartiers qui n’existaient pas quand je venais lui rendre visite pendant les vacances il y a douze ans, à la sortie de la guerre. D’ailleurs, j’ai lu sur twitter la semaine dernière que la ville est passée de 3 millions à 6 millions d’habitants en à peine 20 ans. C’était un post qui parlait de la destruction des bidonvilles et des quartiers défavorisés qui a lieu en ce moment partout dans la ville. En effet, à l’heure où j’écris ces lignes, environ 50000 personnes ont vu leurs quartiers détruits et se trouvent maintenant sans maisons et sans écoles. Il faut croire que la ville prend son projet d’embellissement au sérieux. Pour moi tout ça a commencé vers 2018 environ, ça correspond à l’époque où j’ai commencé à rencontrer des gens en France qui me disaient qu’ils venaient à Abidjan juste pour visiter, ce qui me surprenait puisque jusqu’alors les seules personnes qui venaient d’Europe à Abidjan étaient seulement les gens d’origine ivoirienne qui venaient en vacances au pays. Depuis lors, des tas d’Afropéen.nes se sont installés ici et après le succès de la CAN en début d’année, ce phénomène risque de s'accroître encore plus. Dommage que pour faire place à tous ces gens, les personnes défavorisées soient expropriées et chassées comme des malpropres, sans être relogées bien sûr. Tout ça pour construire des immeubles de luxe où les loyers sont impossibles à payer pour 90% de la population. Le salaire minimum est d’à peine 75000 fcfa par mois et les endroits où l’on pouvait encore se loger à ce prix là sont détruits. A ce sujet, ma coiffeuse m’a écrit il y a deux jours pour me dire que le village dans la ville où se trouve son modeste salon a reçu l’ordre de casser certains endroits car le village se trouve dans la commune la plus riche d’Abidjan et je cite : “ ça ne fait pas joli dans Cocody”. Le but est donc de cacher la pauvreté et non de l’arrêter. Qui est vraiment surpris? L’influx de repat’ ne va pas améliorer non plus les prix exorbitants de cette ville qui ne sont justifiés par rien du tout, à part le fait que les nouveaux riches et les gens qui volent l’argent du peuple veulent des expériences “VIP” pour se sentir supérieur et donc payer cher des choses sans qualité leur donne une impression d’exclusivité qui flattent leurs égos.
Bref, s’il y a bien quelque chose que j’ai appris en revenant vivre ici c’est que le monde entier déteste les pauvres et la gentrification est partout. Même le style des nouveaux immeubles est le même que celui que je voyais construire dans le “Grand Paris”. J’appelle ça l’architecture de la gentrification. Le parc des expositions en lui-même a échappé à l’architecture de la gentrification et c’est déjà mieux que rien. Le bâtiment principal est assez joli, il ressemble à une maison traditionnelle africaine de forme circulaire typique ; ça vaut la peine de le mentionner parce qu’ici, les nouvelles constructions laissent souvent l’esthétique de côté et lorsque ce n’est pas le cas, l’esthétique africaine n’est vraiment pas la plus prisée. En bon pays néocolonisé, la Côte d’Ivoire valorise toujours plus ce qui est copié sur un modèle occidental, souvent français, même lorsque ça ne fait aucun sens dans notre contexte (Pourquoi on construit des immeubles avec dix couches de bétons alors qu’il fait 35-40 degrés en moyenne ? Le changement climatique nous tabasse déjà assez mais on continue à copier le modèle occidental qui ne faisait pas beaucoup plus de sens avant le réchauffement climatique. Libérez mon peuple vraiment. )
Un village dans les montagnes
C’est seulement la deuxième fois que je vais à un Salon du livre à Abidjan, la première fois, j’étais à l’école primaire. Lorsque j’avais environ 7 ou 8 ans, je lisais déjà beaucoup et j’avais supplié ma mère de me faire rater la kermesse de l’école pour aller au Salon du livre. Après maintes supplications, ma mère a fini par laisser mes deux sœurs à la kermesse de l’école pour m’emmener au Salon du livre. Une fois sur place, ma mère m’a raconté que lorsque nous sommes arrivée, un monsieur est venu me parler pour me demander ce que j’aimais lire et me proposer des livres. A chaque livre qu’il me proposait je lui répondais “ celui-là je l’ai déjà lu !” “ celui-là aussi je l’ai déjà lu!” et “celui-là aussi !”. Amusé, le monsieur m’a demandé “mais tu les as tous lu ?! laisse-moi t’en offrir un que tu n’as pas encore lu.” Nous avons fini par trouver un livre que je n’avais pas encore lu et le monsieur me l’a offert. Il s’agissait d’un livre intitulé “ Un village dans les montagnes” et c’est l’un des premiers livres que j’ai vu en arrivant au salon du livre cette fois. Je me souviens que je l’avais choisi parce que l’histoire parlait d’une enfant qui allait pour la première fois rendre visite à sa grand-mère dans son village. Si tu as lu mes deux dernières newsletters tu comprendras pourquoi déjà à 8 ans, ce livre m’avait attiré.
Musique et danse traditionnelle
Dès l’entrée dans le hall du salon, en plus des odeurs de bon maïs (c’est comme ça qu’on appelle le popcorn ici et je préfère ça à popcorn parce que je suis une linguiste qui aime la façon dont on transforme le français localement ), à notre grande surprise, nous avons été accueillis par le bruit des tambours. Je n’avais jamais entendu de la musique traditionnelle en live dans un Salon mais ce n’était pas désagréable, au contraire. En tournant dans le salon, mon cousin adolescent qui m’accompagnait et moi-même avons fini par voir d’où venait la musique et il s’agit de deux tambours installés sur le stand d’une maison d’édition, qui étaient tapés par deux jeunes hommes en face d’une danseuse en tenue traditionnelle Abron, en train de danser l’Adoha. Pour les personnes non-ivoiriennes qui me lisent, je me dois de rajouter que les Abrons sont le peuple qui a inventé les si célèbres Adinkra. C’est un peuple qui se trouve à cheval entre la CIV et le Ghana donc non, les Adinkra ne sont pas exclusivement ghanéen. Le Ghana ne possède pas à lui seul toute l’identité Akan et Adingra ou Kra sont même des noms de familles communs en CIV. La prestation de la danseuse et des tambours était inattendue mais j’ai beaucoup aimé, j’ai trouvé que ça donnait du rythme, de l’énergie et de la vivacité à la visite. Je n’arrive plus à marcher très longtemps et ce genre de foire est toujours un défi pour moi parce que je me fatigue vite et je dois soit ramené mon tabouret pliable, soit être à l’affut de chaises vides pour m’asseoir et faire des pauses régulières. Cette fois, j’ai remarqué que c’est seulement lorsque les tambours se sont arrêtés que j’ai commencé à sentir la fatigue.
Fatou Keïta, Le petit garçon bleu.
L'une des plus librairies les plus connues d’Abidjan avait installé un stand où les photos des plus grands auteurs et autrices ivoiriennes étaient affichées, avec une courte biographie pour chacun d’entre eux. C’est là que j’ai vu pour la première fois le visage de Fatou Keita, l’autrice du tout premier livre que j’ai possédé. Je me souviens que j’étais à la maternelle et qu’elle était venue dans mon école pour faire la promotion de son nouveau livre pour enfant. Malheureusement, j’étais en petite section et il n’y avait que les enfants les plus grands qui avaient eu le droit de la voir. J’étais assez triste parce que comme je l’ai déjà dit, j’aimais déjà lire à l’époque. Quelle ne fut pas ma surprise lorsqu’à la fin de la journée ma grande sœur qui était elle en grande section, m’a offert un livre qu’elle avait fait dédicacé par l’autrice. Ce livre, c'était Le Petit Garçon Bleu de Fatou Keïta. Un livre qui parle de l’acceptation de la différence. Quand j’ouvris le livre, je vis la dédicace que ma soeur avait demandé à Fatou Keïta pour moi. Elle m’avait écrit la dédicace suivante : “ Pour Kpingni, que la vie soit belle”. Je n’ai jamais oublié et je n’oublierais jamais cette dédicace. Fatou Keïta, tant que je serais en vie, tu seras toujours célèbre.
Vilaines couvertures et leçons de morales.
S’il y a bien un truc que je ne supporte pas dans la littérature ivoirienne, c’est le caractère moralisateur de nombreux livres. Heureusement, ça ne concerne que les auteurs et autrices assez médiocres. J’ai réfléchi assez longtemps à la raison de ce phénomène et je suis arrivée à une explication plausible. Voici mon explication : étant donné que l’Afrique est le continent où est né la parole, le premier moyen de story -telling c'était les contes. Et les contes ont toujours été utilisés pour transmettre des leçons de morales, enseigner la différence entre le bien et le mal, transmettre les valeurs d’une société etc. Par conséquent, lorsqu’on est passé des contes parlés à la littérature écrite, cette fonction a été déplacée dans les livres. En revanche, le problème qui survient est que les auteurs et autrices médiocres n’ont pas le talent pour administrer ces leçons de morale subtilement dans leurs livres. Cela donne comme résultat de grandes leçons de morale judéo-chrétienne-islamique dans des livres qui sont supposés être divertissants ou informatifs à la limite,mais pas moralisateurs. Personnellement ce phénomène m’agace profondément et je trouve les livres simplistes et dichotomiques extrêment ennuyeux.
Prenons comme exemple un livre que j’ai eu le déplaisir de tenir dans les mains lors de ce salon, à tel point que je ne me souviens même plus du titre. Dans ce livre, le personnage principal est une jeune femme adolescente qui tombe enceinte pendant qu’elle est encore à l’école, ce qui déclenche une suite d’évènements la conduisant à la mort. L’autrice précise que l’histoire est inspirée d’une histoire vraie mais il est clair que le but ici est d’effrayer les jeunes filles pour qu’elles n’aient pas de rapports sexuels. Ne serait-il pas plus intéressant d’écrire un livre sur l’éducation sexuelle ? Eh bien non, parce que cela irait contre la morale judéo-chrétienne-islamique qui prône la chasteté bien qu’il soit de notoriété publique que seuls l’éducation sexuelle et l’accès à la contraception peuvent faire baisser le nombre de grossesses en milieu scolaire. Les sujets qui sont traités de cette façon sont souvent sur les mêmes thèmes : la sexualité, l’avortement, l’argent facile, la drogue etc. Des sujets sociétaux qui méritent autre chose qu’une posture moralisatrice mais ici on préfère essayer de faire peur aux gens plutôt que de leur apporter de bonnes informations pour qu’ils fassent les bons choix.
J’ai remarqué aussi que les couvertures des livres ivoiriens sont en général assez laides. Cela me laisse toujours pantoise car il n’y a rien de plus aisé que de trouver une jolie photo pour illustrer une couverture de livre. Ma théorie c’est que ces livres, aussi bien dans leur contenu que par leurs couvertures sont les équivalents écrits des télénovelas. Ces séries populaires sur le continent qu’on regarde distraitement lorsqu’on est chez la coiffeuse. Ces livres font dans le drama et le sensationnel pour attirer des lecteurs et lectrices de base, qui ne sont pas forcément des gens qui recherchent de la profondeur. En conclusion, il ne faut pas trop leur en demander à ces livres. Cependant, j’ai remarqué que certaines maisons d’éditions sont en train de changer les choses avec de meilleures couvertures, notamment des couvertures illustrées, et ça vaut la peine de le mentionner.
Le stand des Antilles
Personnellement, j’apprécie tout ce qui fait se rapprocher les peuples noirs du monde entier donc j’ai été très agréablement surprise de voir qu’il y avait un stand pour la littérature caribéenne. Sur ce stand il y avait des conteuses et les enfants portaient des casques pour écouter ce que la conteuse en face d’eux leur racontait. La conteuse a commencé en criant “Yekrik”, et les enfants devaient répondre “ Yekrak”. Je connaissais déjà ce “call and response” antillais qui se prononce avant de commencer à raconter un conte, car j’ai des amies antillaises écrivaines. Je ne suis pas restée pour la suite du conte mais j’étais assez jalouse parce que lorsque j’étais enfant, cette technologie n’existait pas. Pourquoi personne ne pense jamais aux grands enfants qui veulent aussi écouter des contes ? C’est injuste =(
Livres moins chers
L’un des stands que j’ai le plus apprécié était le stand des éditions Vallesse. J’ai beaucoup aimé le type de livres qu’ils proposaient et je n’étais pas la seule car c’était l’un des stands où se bousculaient le plus de gens. Ce que j’ai particulièrement apprécié c’est que les livres étaient petits et très peu chers (entre 1500 et 3000 fcfa), tandis que les prix des livres sur les autres stands se situaient entre 5000 et 10000 fcfa. Le caractère moins cher des livres expliquait probablement la popularité de ce stand. Je ne sais pas si ces éditions avaient décidé de profiter du salon pour brader leur stock de livres mais pendant que j’observais un enfant d’environ dix ans fourrer dans un sachet les dix livres qu’il venait de choisir pendant que son père tendait 15000 fcfa au vendeur, je me dis qu’il s’agissait là d’une stratégie appréciable dans un pays où 47% de la population est analphabète (la majorité de ces 47% étant composé de femmes) et où la très grande majorité des gens sont pauvres et ne peuvent pas se permettre d’acheter un seul livre à 10000 fcfa. En plus la vie est de plus en plus chère à Babi, et entre manger et acheter un livre, le choix est vite fait. Donc applaudissements pour les éditions Vallesse parce qu’en plus, leurs couvertures ne sont pas vilaines. Si je devais choisir une maison d'édition ivoirienne pour publier mon livre ce serait bien celle-là mais je priorise les maisons d’éditions occidentales parce que je priorise l’argent sur ce coup là. Désolée pas désolée. Les autrices gagnent déjà une trop petite part sur les ventes de leurs livres.
Littérature jeunesse
J’ai été impliquée pendant quelques années dans les mouvements antiracistes et afro féministes à Paris et une remarque qui revenait souvent lorsque je participais à des ateliers d’écriture ou de littérature, c'était le manque de représentation des enfants noirs dans la littérature jeunesse occidentale. Apparemment les seuls fois où ils apparaissent, ils sont montrés faisant partie d’une Afrique précoloniale fantasmée (comme Kirikou) mais ils ne sont jamais montrés dans des villes modernes, faisant des choses que tous les enfants modernes font. C’est pour ça que ma go Laura Nsafou s’est donné la mission d’écrire des livres pour enfants noirs modernes. D’ailleurs, si vous ne l’avez pas encore lu, je vous conseille son livre Comme un millions de papillons noirs qui traite de la problématique de l’acceptation de ses cheveux crépus pour les enfants noirs grandissant en tant minorité raciale. Ce livre est pour moi un classique et je pense qu’il a déjà été traduit en plusieurs langues.
Bien que j’étais en capacité de reconnaitre que le manque de représentation des enfants noirs dans la littérature jeunesse occidentale était une vraie problématique, je n’ai jamais pu m’identifier à ce manque parce que j’ai grandi avec plein de livres où les personnages me ressemblaient. Je ne me souviens mêmepas avoir jamais posséder un livre dans mon enfance, où les personnages sont blancs. La littérature jeunesse ivoirienne est assez prolifique, il y a des contes traditionnels, des histoires modernes, et maintenant il y a même des mangas et des histoires futuristes. Il y en a pour tous les goûts. C’est pour ça que j’ai commencé à acheter des livres de jeunesse ivoiriens pour mes neveux bien avant qu’ils ne sachent lire, afin qu’ils aient des personnages qui leurs ressemblent. Je suis fière de pouvoir dire aujourd’hui que bien qu’il ne sachent toujouts pas lire, l’un de leur livre préféré est Sulwe de Lupita Nyongo, un livre qui parle du colorisme aux enfants.
Collection Adoras
La collection Adoras, c’est l’équivalent ivoirien des éditions Harlequin en France ou Mills&Boons au Royaume-Uni. C’est une maison d’édition qui a été créée à la fin des années 90 ici à Abidjan, dans le but de pallier au manque de littérature à l’eau de rose à la saveur locale. Je n’ai jamais lu aucun des livres de la collection Adoras car il n’étaient pas disponibles là où j’ai passé mon adolescence, la période de ma vie où j’ai commencé à lire des livres à l’eau de rose. Mais j’ai toujours été intriguée par les livres d’Adoras et j’ai toujours aimé le style un peu rétro des illustrations de couvertures. Je trouve qu’elles ressemblent un peu aux anciennes affiches de films peintes à la main. Elles ont une vraie identité visuelle africaine. D’ailleurs, certains de ces livres ont fait l’objet d’adaptation en téléfilms. Tout le monde sait que je suis une lovergirl et que j’adore la “chick lit”, si n’as pas encore lu mon essai “Thoughts and feelings on chicklit and romcoms” je t’invite à le faire. Lorsque j’étais adolescente, j'étais tombée sur un documentaire au sujet de cette collection, sur l’une des chaînes télé panafricaines que ma mère regardait H24. Il me semble que la maison d’éditions avait arrêté de publier de nouvelles histoires pendant la décennie de troubles politiques qu’à connu le pays, mais de nouveaux titres ont recommencé à être publiés donc je vais peut-être enfin acheter un livre Adoras pour la première fois. Je suis tombée sur l’un des nouveaux titres, Le pagne blanc (surement un clin d’oeil au Pagne Noir, un classique de la littérature ivoirienne écrit par Bernard Dadié). On peut voir le pont de Tiassalé sur l’illustration de couverture, c’est peut-être un signe ?
Véronique Tadjo, En compagnie des hommes.
Véronique Tadjo est l’une des plus grandes écrivaines ivoiriennes. Je savais qu’elle était aussi professeure d’université mais pour les besoins de cette publication, je suis allée lire sa biographie, afin d’en savoir plus sur elle. Il se trouve qu’elle est aussi illustratrice et c’est également la première ivoirienne ceinture noire de Taekwondo. Okay Boss Lady. D’ailleurs, pour celles et ceux qui ne le savent pas, la Côte d’Ivoire a beaucoup de champions et championnes de Taekwondo. Le Taekwondo est une discipline très pratiquée ici parce qu’un jour un grand maître coréen de Taekwondo est venu s’installer ici. Curieux non ? je sais, mais pas si curieux que ça parce qu’Abidjan est une ville particulièrement cosmopolite.
Mais revenons à Véronique Tadjo. Il y a 10 ou 15 ans, j’étais tombée sur un de ses essais où elle parlait du caractère enjolivé d’un des mythes fondateurs de la Côte d’Ivoire, le mythe de la Reine Pokou. La reine Pokou qui a fui l’actuel Ghana suite à des querelles de successions avec le roi Osei Tutu, pour venir s’installer dans l’actuelle Côte d’Ivoire. Dans cet essai, Veronique Tadjo parle des mythes et des légendes comme parefeu contre les traumatismes d’un peuple. Je n’avais jamais pensé à cette perspective donc j’ai beaucoup apprécié cet essai.
J’ai ensuite oublié l’existence de Veronique Tadjo car je ne lis pas beaucoup de livres ivoiriens, jusqu’à ce qu’on m’appelle en novembre dernier pour faire l’interprétation en anglais d’un cycle de conférence dans une galerie d’art, sur le thème du livre de Walter Roodney Et l’Europe sous-développa l’Afrique. Veronique Tadjo était l’une des panelistes et elle a parlé de son livre En compagnie des hommes, qu’elle a commencé à écrire lorsqu’elle vivait en Afrique du Sud, pendant l’épidemie d’Ebola. Elle a dit avoir suivi pour ce livre la tradition africaine qui consiste à faire parler les animaux et les objets, en faisant du Baobab situé près de l’hopital l’un des personnages principaux du livre. Après ce panel, elle m'a demandé si j'étais une interprète professionnelle et m'a complimentée sur mon travail. Je ne l'ai pas reconnue à ce moment-là, mais seulement après, sinon j'aurais bien sûr fait la fangirl. Bien évidemment, lorsque j’ai vu ce livre sur le stand des éditions Vallesse, je me suis pressée de l’acheter.
En conclusion, bien que les 3 heures de marche dans le Salon m’aient épuisée, j’ai bien fait de me secouer pour aller au SILA cette année malgré ma mauvaise humeur permanente. J’ai réussi à n’acheter que 4 livres pour moi et 2 livres pour mon cousin adolescent qui m’accompagnait. Le choix était difficile mais l’argent était limité alors ça a rendu le choix plus facile. J’ai hâte de tous les lire mais j’ai surtout hâte de lire Reine Or. Il s’agit d’une pièce de théatre qui traite d’un groupe de personnes mené par une femme, qui s’adonne à l’orpaillage illégal. J’écris aussi des pièces de théâtre et je les mets en scène, donc cette pièce m’a intéressé immédiatement. J’aime les personnages féminins forts et exécrables. J’espère que je ne serai pas déçue.
My dear friend,
After a difficult week where even going out to buy water at the supermarket next door seemed like an insurmountable task, on Saturday I kicked myself in the butt and went to the last day of the Abidjan book fair, which took place from May 14 to 18.
I'm a writer, so I'm interested in books in general, but I've also just finished writing my first fiction novel, most of which is set in Abidjan, so I wanted to get to know the local publishing houses.
Here are my observations on this latest edition of SILA:
Architecture of gentrification
The fair took place at the Abidjan exhibition center, which opened only last year. It's the first time I've been there since it opened, and as the taxi took us towards the airport area where the exhibition center is located, I thought to myself that in Abidjan right now, if you blink, you miss a new road, a new district, a new interchange. The city is changing at breakneck speed and construction is going on everywhere. I can sit on my father's balcony today and see neighborhoods on the horizon that didn't exist when I came to visit him on vacation twelve years ago, just after the war. I read on Twitter last week that the city has grown from 3 million to 6 million inhabitants in just two decades. It was a post about the destruction of shantytowns and slums that is currently taking place all over the city. At the time of writing, some 50,000 people have been evicted and are without homes or schools. Looks like the city takes its beautification project seriously. For me, all this started around 2018, which is when I started meeting people at random who told me they were coming to Abidjan just to visit, which surprised me since until then, the only people who came to Abidjan from Europe were people of Ivorian origin who came to spend their holidays here. Since then, lots of Afro-Europeans have settled here, and after the success of AFCON at the beginning of the year, this phenomenon is likely to increase even more. It's a pity that to make room for all these people, the disadvantaged are expropriated and driven out like dirt, without being rehoused, of course. All this to build luxury apartment blocks with rent prices unaffordable for 90% of the population. The minimum wage is barely 75,000 fcfa a month, and the places where people could still be housed at that price are being destroyed. On this topic, my hairdresser wrote to me two days ago to tell me that the village where her modest salon is located has been ordered to destroy some areas because the village is located in the richest district of Abidjan and, according to the authorities : “it doesn't look nice in Cocody”. So the aim is to displace poverty, not stop it. But who's really surprised? The influx of returnees isn't going to improve this city's exorbitant prices either, which aren't justified by anything at all, anything other than making the new rich and the government thieves feel “VIP”. If there’s something I’ve learned since I’ve been back, it is that Abidjan is a very classist city. I’ve also learned that the whole world hates poor people and gentrification is everywhere. Even the style of the new buildings being built is the same as the one I saw being built in “Grand Paris”. I personnally call it “the architecture of gentrification”.
The exhibition center itself has escaped the architecture of gentrification, and that's better than nothing. The main building is quite pretty, resembling a traditional African house with its typical circular form. It's worth mentioning because here, new constructions often leave aesthetics out of the equation, and when they don’t, African aesthetics really aren't the most prized. Indeed, as a good neo-colonized country, Côte d'Ivoire always values more what is copied from a Western model, especially a French one, even when it makes no sense in our context (Why build stuff in 10 layers of concrete when it’s 35-40 degrees outside ? I never understood. Climate change is already kicking our collective arses but we keep copying european models. Free my people, for real.)
A village in the mountains
This is only the second time I've been to a book fair in Abidjan , the first time was when I was in elementary school. When I was about 7 or 8 years old, I was already reading a lot and I begged my mother to make me miss the school fair so I could go to the book fair. After much pleading, my mother left my two sisters at the school fair to take me to the book fair. Once there, my mother told me that when we arrived, a gentleman came to talk to me, asking me what I liked to read and suggesting books. Every time he suggested a book, I replied "I've already read that one! "and "that one too! Amused, the gentleman asked me "but have you read them all? let me gift you one you haven't read yet". I remember we ended up finding a book I hadn't read yet, and the gentleman gifted it to me. It was called "A Village in the Mountains" and it was one of the first books I saw when I arrived at the book fair this time. I remember I chose it because the story was about a girl going to visit her grandmother in her village for the first time. If you've read my last two newsletters, you'll understand why I was already drawn to this book at the age of 8.
Traditional music
As soon as we entered the hall, in addition to the smell of good corn (that's what we call popcorn here and I prefer it to popcorn because I'm a linguist who loves the way French is transformed locally ), we found the sound of drums surprising. I'd never heard live traditional music in a Salon, but it wasn't unpleasant, on the contrary. As my teenage cousin and I circled around the fair, we finally saw where the music was coming from. It was two tall drums set up on a publishing house stand, being banged by two young men in front of a dancer in traditional Abron garb, dancing the Adoha dance. For my non-Ivorian readers, I must add that the Abron people are the people who invented the famous Adinkra. They straddle the border between the Côte d’Ivoire and Ghana, so no, the Adinkras are not exclusively a Ghanaian thing. Ghana alone does not possess the entire Akan identity, and Adingra or Kra are even common family names here. The performance by the dancer and the drummers was unexpected, but I really liked it, I thought it gave rhythm, energy and liveliness to the visit. I can't walk for a very long any more, and this kind of fair is always a challenge for me because I tire quickly and have to either bring back my folding stool or be on the lookout for empty chairs to sit down and take regular breaks from walking. This time, I noticed that it wasn't until the drums stopped that I started to feel the fatigue.
Fatou Keïta, Le petit Garçon bleu
At this fair, one of Abidjan's best-known bookshops had set up a stand displaying photos of the greatest Ivorian authors, along with a short biography for each of them. It was there that I first saw the face of Fatou Keïta, the author of the very first book I owned. I remember I was in kindergarten and she came to my school to do a book signing. Unfortunately, I was in kindergarten when she came to promote her new children book and only the older children were allowed to see her. I was quite sad because like I said, I already loved reading at the time. What a surprise it was when, at the end of the day, my big sister, who was in the same kindergarten, presented me with a book she'd had autographed by the author. The book was Le Petit Garçon Bleu (The little blue boy) by Fatou Keita. She wrote the following autograph to me: "For Maureen, may your life be beautiful". I've never forgotten and never will forget that line. Fatou Keita, as long as I’m alive, you will always be famous.
Ugly covers and moral lessons
If there's one thing I can't stand about Ivorian literature, apart from the colonial French they often use, it's the sanctimonious nature of many books. Fortunately, this only applies to mediocre authors. I've thought long and hard about the reason for this phenomenon, and I've come up with a plausible explanation. Here is my explanation : given that Africa is the continent where the spoken word first was born, the first means of storytelling was well, telling tales, orally. And tales have always been used to pass on moral lessons, teach the difference between right and wrong, convey the values of a society and so on. As a result, when we moved from oral storytelling to written literature, this function was transferred to books. The problem that arises is that since mediocre authors don't have the talent to administer those moral lessons subtly in their books, the result is books with Judeo-Christian-Islamic moralistic views, while they are supposed to be entertaining or informative. This personally bores me to tears. Let's take the book below as an example. The main character is a young teenage girl who becomes pregnant while still at school, which triggers a series of event that leads to her death. The author states that the story is inspired by a true story, but it's clear that the aim here is to scare teenage girls into not having sex. Wouldn't it be more interesting to write a book about sex education? No, it wouldn't, because it would go against Judeo-Christian-Islamic morality. The topics that are dealt with in this way are often the same: sexuality, abortion, easy money, drugs, and so on. Societal issues that deserve something other than a moral posture, but here they prefer to try and scare people rather than provide them with good information so they can make good choices. We all know that sex education and availability of contraceptives is the only thing that can decrease the number of teenage pregnancies but who talks about that ? Personally thoses types of book bore me to death. I hate simplistic and moralistic books but to each their own.
Another thing I've noticed is that the covers of ivorian books are generally pretty ugly, which I don't understand because it's so easy to find a pretty picture for a book cover. My theory is that these books, both in their content and their covers, are the equivalent of the telenovelas popular on this continent that we watch absent-mindedly when we're at the hairdresser. They're all about drama and sensationalism, to attract basic readers who aren't necessarily looking for depth. However, I have noticed that some publishing houses are changing things with better covers, especially illustrated covers, and that's worth mentioning
The Caribbean stand
Personally, I appreciate anything that brings black people from all over the world together, so I was very pleasantly surprised to see that there was a stand for Caribbean literature. It was a stand where there were story tellers, and the children wore headphones to listen to what the storyteller in front of them was telling them. The storyteller started by shouting "Yekrik", and the children had to answer "Yekrak". I was already familiar with this Caribbean "call and response" that one says before starting to tell a tale, because I have Caribbean friends, some of whom are also writers. I didn't stay for the rest of the tale, but I was quite jealous because when I was a child, this technology didn't exist. Why doesn't anyone ever think of the adult kids who also want to listen to stories? It's unfair =(
Cheap books
One of the stands I enjoyed the most was that of Vallesse Editions. I really liked the type of books they offered, and I wasn't the only one - it was one of the most popular stands. What I particularly liked was the fact that the books were very inexpensive (between 1,500 and 3,000 fcfa), whereas the prices of books on the other stands were between 5,000 and 10,000 fcfa. The cheaper nature of the books probably explained the popularity of this stand. I don't know whether these publishers had decided to take advantage of the fair to sell off the remainder of their books, but as I watched a ten-year-old boy stuff the 10 books he had just chosen into a bag, while his father handed the seller 15,000 fcfa , I thought to myself that this was an appreciable strategy in a country where 47% of the population is illiterate (the majority of this 47% being women) and where the vast majority of people are poor and can't afford to buy a single book at 10,000 fcfa. What's more, life has become increasingly expensive in Babi, so between eating and buying a book, the choice is quickly made. So a round of applause for Vallesse Editions, because what's more, their covers weren't bad either. If I had to choose an Ivorian publishing house to publish my book, it would be this one, but I give priority to Western publishing houses because I give priority to money on this one. Sorry, not sorry. Authors already earn too little from the sales of their books.
Children's Literature
I was involved for some years in the anti-racist and Afro-feminist movements in Paris, and one remark that came up often when I took part in writing or literature workshops was the lack of representation of black children in Western children's literature. Apparently, the only time they appear, they are shown as part of a fantasized pre-colonial Africa (e.g. Kirikou), but they are never shown in modern cities, doing things that all modern children do. That's why my girl Laura Nsafou has made it her mission to write books for modern black children. In fact, I recommend her book Comme un millions de papillons noirs (Like a million black butterflies), which deals with the problem of accepting their hair texture for black children growing up as a racial minority. For me, this book is already a classic, and I believe it has already been translated into several languages. Although I recognized that the lack of representation of black children in French literature was a real issue, I could never identify with it because I grew up with lots of books where the characters looked like me. I don't remember ever having a book with white characters in my childhood. Ivorian children's literature is quite prolific, there are traditional tales, modern stories, now there’s even futuristic stories, mangas etc. there's something for everyone. That's why I started buying Ivorian children's books for my nephews long before they could read, so they'd have characters that looked like them. I’m proud to say that even though they still can’t read, their favorite book is Sulwe, a book written by Lupita Nyong’o to teach kids about colorism.
Adoras collection
the Adoras collection is the Ivorian equivalent of the Harlequin collection in France or the Mills&Boons collection in the UK. It's a publishing house that was set up in the late 90s here in Abidjan, with the aim of making up for the lack of local r o m a n c e literature. I've never read any of the books in the Adoras collection because they weren't available where I spent my teenage years, the time of life when I started reading romance. However, I've always been intrigued by them as I've always liked the retro style of the cover illustrations. I find that Adoras books covers look a bit like old hand-painted movie posters, and they have a real African identity just by the fact that they always show black characters (which is the very reason why the collection was created). In fact, some of these books have even been adapted into TV movies. Incidentally, I love chick lit - if you haven't read my essay "thoughts and feelings on chicklit and romcoms" I invite you to do so - and when I was a teenager living in the Paris outskirts, I came across a documentary about this collection on one of the pan-African TV channels my mother used to watch all day. I think that the publishing house had stopped publishing new stories during the country's decade of political turmoil, but new titles have started to appear again, so maybe I'll finally buy an Adoras book for the first time. I came across the one below, where you can see the Tiassalé bridge on the cover illustration, maybe it's a sign?
Véronique Tadjo, En compagnie des hommes (In the company of men).
Véronique Tadjo is one of Côte d'Ivoire's finest writers. I knew she was also a university professor, but for the purposes of this publication, I went to read her Wikipedia page to find out more about her. It turns out that she's also an illustrator and the first Ivorian black belt in Taekwondo. Okay Boss Lady ! She's quite impressive. By the way, for those of you who don't know, Côte d'Ivoire has many Taekwondo champions. It's a discipline that's widely practiced here, because one day a great Korean Taekwondo master moved here. Random? I know, but not that random, because Abidjan is an exceptionally cosmopolitan city. Anyway, back to Véronique Tadjo. Ten or fifteen years ago, I came across an essay by Veronique Tadjo in which she talked about the embellished nature of one of Côte d'Ivoire's founding myths, the myth of Queen Pokou, who fled from what is now Ghana after a succession dispute with her uncle, King Osei Tutu, to settle in what is now Côte d'Ivoire. If I remember correctly, in this essay Veronique Tadjo talks about myths and legends as a firewall against the traumas of a people. I'd never thought about it from that perspective, so I really enjoyed the essay. I then forgot about Veronique Tadjo because I barely reads ivorian litterature, until I was called last November to interpret a series of lectures in English at an art gallery, on the theme of Walter Roodney's book How Europe underdeveloped Africa. Veronique Tadjo was on one of the panels and spoke about her book In the Company of Men, which she began writing while working in South Africa and during the Ebola epidemic. For this book, she said she followed the African tradition of making animals and objects speak, making the Baobab tree located near the hospital where Ebola patients are treated one of the book's main characters. After this panel, she asked me if I was a professional interpreter and complimented my work. I didn’t recognize her then, only afterwards, otherwise I would have fangirled hard. So, naturally, when I saw her book on the Vallesse publishing stand, I had to buy it.
In conclusion, even though the 3 hours of walking in circle at the fair left me exhausted, I’m glad I managed to kick my own butt and forced myself to go despite my moodiness. I only bought 4 books for myself and 2 books for my teenage cousin who went with me. The choice was difficult but money was tight so that made the choice easier. I can't wait to read them all, but I'm especially looking forward to reading Reine Or (Gold Queen). It's a theater play about a group of people, led by a woman, who engage in illegal gold panning. I also write and direct theather plays and on top of that, I like strong, unlikeable female characters, so this book caught my interest immediately. The author Fatou Sy was present at the stand and wrote me a little autograph. Who knows, maybe this will be the next play I direct? We’ll see.
I really enjoyed reading this, Nzinga! And I have so much to say I feel like I’ll forget a lot 😭
It’s so sad to see gentrification taking over cities across the globe and how indigenes are left homeless and worse off than when their cities were “underdeveloped.”
You make me want to attend an Abidjan book fair now. I like that you included a story of when you attended your first book fair as a kid, it was so cute. I loved your review and liked reading your thoughts on the books, the music, the publishers. And I find the Adora collection intriguing. This is the first I’m hearing of it.
On the topic of some Ivorian books having ugly covers and being didactic, I get you!
I’m grateful for the growth of Nigerian literature but I can’t forget the books I read as a child that constantly shamed and punished women whose actions diverged from what society required of them.
You’re an amazing writer and I hope to keep reading your work. I hope your book is coming along well and that you’re resting and taking care of yourself <3
Thank you for the English translation. I’m totally enjoying reading this. ❤️